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Avant-Propos
Part 5 de 5

Il suffit de remarquer quelle sûreté de coup d'oeil et de jugement, quel degré de sang-froid et d'immobilité, quelle habitude d'observations minutieuses acquiert le tireur à l'arc pour com-prendre que toutes ces qualités il les utilisera facilement et du jour au lendemain lorsqu'il s'agira pour lui de se servir d'une arme à feu.

De plus, la nécessité où l'on est ordinairement de jouer ce jeu en plein air, de faire travailler certains muscles des bras, des épaules et du dos à des degrés différents suivant la puissance de l'arme employée, et de marcher pour chercher ses flèches, en fait un exercice où l'hygiène trouve son compte.

C'est peut-être ici l'occasion de rappeler qu'un de nos plus célèbres écrivains, Prosper Mérimée, vers la fin de son exis-tence, alors qu'il était miné par la maladie, s'était vu recommander par son médecin l'exercice de l'arc. Le nom de ce médecin avisé, qui mériterait à coup sûr d'être cité dans ce volume, nous est malheureusement inconnu : nous savons seu-lement que son illustre malade prit un vif plaisir à ce jeu auquel, comme pour rendre un culte plus complet à Apollon, il consacra en même temps qu'à la peinture les derniers mois de sa vie.

Taine[5] nous le représente au commencement de Tannée 1870 &emdash; qui fut celle de sa mort &emdash; se rendant au champ de tir de Cannes, tel qu'un héros d'Homère, escorté de deux dames anglaises, l'une portant son arc et l'autre ses flèches et sa boîte d'aquarelles.

Nous avons voulu, en écrivant ce livre, faire connaître l'exercice de l'arc à ceux qui l'ignorent en même temps qu'offrir à nos camarades en Archerie un ouvrage où ils seront peut-être heureux, à un moment donné, de trouver quelques renseigne-ments sur leur arme, sur l'emploi qu'en tirent leurs prédéces-seurs, la manière dont on pratique le jeu de l'arc dans les différentes provinces françaises et dans les pays étrangers où il est encore en usage.

Nous n'avons pas à dissimuler que nos Archers ont beaucoup à gagner à étudier l'Archerie anglaise.

Le soin que nos voisins d'outre-Manche apportent à la confec-tion de leurs arcs et de leurs flèches, la variété de leurs distances de tir, les dispositions de leurs cibles, le nombre de flèches tirées, la valeur du point attribuée à toute flèche atteignant la cible sont autant de preuves de leur souci d'augmenter l'attrait de ce jeu et d'en éloigner la monotonie possible.

A ce point de vue peut-être avons-nous quelque chose à leur emprunter.

Enfin, l'Archerie féminine mérite de retenir l'attention de ceux qui, même en matière de sports, gardent le souci de l'esthé-tique et de l'harmonie des mouvements.

Autant le fusil ou la carabine qu'il faut épauler donne au haut du corps un aspect gauche ou disgracieux, autant l'arc, manié suivant les règles voulues, permet à la femme de prendre une attitude pleine d'aisance et de grâce.

Ajoutons que sur des distances accessibles à leurs forces musculaires les femmes se montrent, de l'avis général, plus adroites que les hommes au tir à l'arc.

Nous devons, avant de terminer cet avant-propos, témoigner notre reconnaissance à toutes les personnes qui ont bien voulu nous fournir des documents sur le sujet que nous avions à traiter; nous avons à remercier plus particulièrement M. Cordier, capitaine de la Compagnie d'arc de Fontainebleau, et M. Guglielmini. Leur collaboration nous a été précieuse.

Le premier, au prix d'une patience et d'efforts dignes de tout éloge, est parvenu à instituer, il y a deux ans, le Championnat du tir à l'arc, désormais établi en France de façon définitive; il était donc, plus que tout autre, désigné pour nous aider dans notre tâche et nous renseigner sur les Compagnies d'arc françaises existantes.

Le second, qui joint au mérite peu commun d'être un collec-tionneur d'arcs, celui plus rare encore d'employer au tir les arcs de toutes provenances et de tous spécimens qui forment sa collection, nous a donné la possibilité de faire profiter le lecteur de bon nombre d'observations intéressantes en même temps qu'il a bien voulu mettre à notre disposition deux ouvrages japonais, d'une rareté très grande, sur l'Archerie.

Ce livre aura rempli son but s'il contribue, si peu que ce soit, à maintenir et à développer le Jeu de l'Arc dans nos villes et nos campagnes et à lui faire réserver parmi les sports en honneur aujourd'hui la place à laquelle il a droit.

ALBERT de BERTIER.
Juin 1900.