Différents auteurs, tels que Magné de Marolles et le baron de Noirmont, ont avancé que le chasseur à l'arc ne tirait jamais le gibier au vol ou courant mais toujours au posé; et ils ont déclaré qu'il fallait traiter de fables les récits anciens ou modernes qui parlent des prouesses de cette nature accomplies, par des archers de l'antiquité ou des sauvages de nos jours.
Le premier a prétendu « qu'il y a lieu de révoquer en doute le témoignage vague de quelques voyageurs qui ont prêté cette adresse aux peuples sauvages du Nouveau Monde » et quant aux récits anciens tels que celui « de Virgile nous parlant du pigeon tiré dans la nue par Eurython, il ne faut voir ici qu'un trait d'adresse particulier dont il a plu au poète d'orner son récit ».
M. de Noirmont, à son tour, après avoir déclaré judicieuse la remarque de Magné de Marolles, ajoute : « En admettant la réalité de quelques-uns de ces hauts faits d'archerie, qui sont toujours présentés comme dignes de l'admiration des siècles présents ou futurs, il faut y voir des coups de hasard merveilleux et reconnaître qu'on n'a jamais pu tirer les oiseaux et même les petits quadrupèdes avec quelques chances de succès que lorsqu'ils étaient immobiles. »
Cette opinion, commune aux deux estimables auteurs, peut être, à notre avis, qualifiée de téméraire, car l'un et l'autre se contentent de nier la véracité de ceux qui ont porté à notre con-naissance des faits de cette sorte et ne se préoccupent point de prouver que ces faits sont matériellement impossibles.
Sans nous attarder à citer de nouveau les nombreux exemples d'archers atteignant un but mobile, il nous paraît logique de rappeler l'adresse déployée par certains indigènes de l'Afrique ou de l'Amérique avec des instruments moins faciles à diriger que les flèches, tels que la sagaie et le boumerang. On pouvait voir à Paris, l'an passé, un Australien manœuvrer ce dernier instrument avec une adresse qui confond tout raisonnement.
Enfin, si l'on se reporte aux jeux des enfants, ne voit-on pas couramment certains d'entre eux atteindre d'une balle lancée à la main, à plus de 20 ou 30 mètres, leurs camarades en pleine course? On peut en conclure qu'un archer au coup d'œil depuis longtemps exercé peut arriver à ce résultat avec ses flèches.
On en trouvera d'ailleurs la preuve dans le chapitre où nous parlerons des Sociétés d'arc des États-Unis.
Pour tirer le gibier à plumes, on se servait de flèches dont le fer se terminait en forme de croissant ou de fourche. Voici la raison qu'en donnaient les auteurs de la Maison Rustique, ouvrage du XVIe siècle : «... faut prendre sagettes doubles fourchées en la partie de devant, partout bien aiguës qui tranchent aile ou col qu'elle toucheront, car la seule perçure commune de la sagette ne blesseroit pas tant l'oiseau qu'il peut demeurer là (au point qu'il puisse rester sur place) mais s'en iroit percé et blessé combien que possible il mourroit ailleurs[29]. »
Enfin, on se servait aussi de l'arc et de la flèche pour tirer les poissons comme certains amateurs le font encore de nos jours avec le fusil. Dans ce cas, il fallait profiter du moment où l'animal dormait à fleur d'eau : une flèche munie d'une sorte de harpon et d'une cordelette maintenue à la ceinture du tireur permettait de le ramener en même temps que le poisson, lorsqu'on avait eu la chance de l'atteindre.
Nous terminerons ce chapitre en signalant un genre de trait souvent employé à la chasse et qui consistait en une sorte de flèche dont le fût, renflé vers la tête, était en même temps