Pour se garantir de l'atteinte des traits, nous savons que les Romains marchaient souvent à l'ennemi en formant ce qu'ils appelaient « la tortue »[16].
Les premiers rangs et les files de droite et de gauche, pour protéger le front et les flancs de la troupe, conservaient leurs boucliers devant eux ou à leurs côtés, tandis que les soldats des autres rangs les plaçaient au-dessus de leurs têtes : l'assemblage de tous ces boucliers formait une carapace qui permettait d'approcher assez près de l'ennemi pour l'attaquer en corps à corps.
Le même moyen était mis en usage pour parvenir aux pieds des murs d'une ville, travailler à la brèche et mouter à l'assaut, sous la pluie de traits des assiégés.
L'utilité de rendre toute blessure mortelle poussa, dès la plus haute antiquité, certaines nations à empoisonner leurs traits. Mais les peuples qui se faisaient gloire de leur civilisation, comme les Grecs et les Romains, semblent s'être toujours refusés à recourir à ces pratiques barbares que les Asiatiques ne dédaignèrent pas.
On sait que Porus, roi des Indes, fit subir par ce moyen de grandes pertes à l'armée d'Alexandre.
Le poison de la flèche des Scythes était particulièrement redouté et les Latins disaient « vulnera scythica », blessures dignes des Scythes, pour désigner celles qui étaient sans remède ou qui avaient été causées déloyalement. L'expression « sagittæ Lernæ », flèches trempées dans le sang de l'hydre de Lerne, semble aussi indiquer l'horreur que leur inspiraient les armes empoisonnées[17].
En dehors de l'emploi qui lui était habituellement dévolu, la flèche fut souvent utilisée d'autre manière.
La flèche porte-message, la flèche porte-feu ou flèche ardente, que l'on a parfois désignée par extension sous le nom de falarique, sont autant d'exemples de l'usage qu'on put faire du trait envoyé par l'arc.
La première rendait de grands services pour communiquer de l'une à l'autre rive d'un fleuve infranchissable, ou entre deux points escarpés ou encore avec une ville assiégée.
La seconde, garnie d'une étoupe enflammée,, était destinée à incendier à distance les habitations et les vaisseaux ou à jeter le désordre dans les rangs ennemis.
Enfin, nous citerons un genre de flèches employées dans les armées romaines et qui se lançaient à la main, mais parfois aussi à l'aide de l'arc.
C'étaient des traits courts et plombés au talon qui, une fois tombés, demeuraient debout menaçants, faisant l'office de chausse-trapes et pouvant, sur un terrain approprié, entraver avec efficacité la marche de l'ennemi et particulièrement celle de sa cavalerie.
Il nous resterait à parler de la portée que pouvaient avoir les flèches lancées par les arcs de l'antiquité. La question ne laisse pas d'être délicate, car les renseignements que l'on peut trouver à ce sujet sont loin d'être précis et ne permettent de faire que de vagues conjectures.
Toutefois Végèce nous apprend[18] que les archers anciens, pour s'exercer au tir, se plaçaient à une distance de 600 pieds (environ 200 mètres) de la cible « afin de l'atteindre plus souvent » (ut sagittis sæpius signum tangerent) et, en recommandant de les imiter, il conseille aux archers de son temps de se servir, pour cet usage, d'arcs de jeu (lusariis arcubus utantur) qui devaient être évidemment d'une puissance moins grande que les arcs de guerre. On est donc autorisé à penser que la portée de ces derniers était supérieure à 200 mètres, ce qui n'a rien que de naturel si on la compare aux distances que peuvent couvrir de nos jours les arcs orientaux entre les mains exercées des archers asiatiques. C'est, d'ailleurs, l'étude de l'archerie orientale actuelle qui peut, la plupart du temps, fournir la solution des problèmes qui se posent au sujet de l'archerie antique.