Une autre méthode, qui n'a, croyons-nous, jamais été signalée, consiste à tirer de l'arc en passant derrière la tête la main qui tire la corde. Nécessairement, cette dernière doit être alors placée en dehors du bras gauche et tirée avec le pouce. L'appui que le cou du tireur fournit à sa main lui permet d'employer un arc d'une grande force, bien que ses dimensions ne puissent être qu'assez réduites.
La reproduction d'une vignette d'un manuscrit arabe du XVe siècle, sur l'art de tirer à l'arc, indique, malgré l'imperfection et la naïveté du dessin original (fig. 14), de quelle façon on peut procéder[8].
Cette méthode, très particulière, dont on peut trouver un autre exemple dans la figure 15, est encore en usage chez les cavaliers du Turkestan qui montrent une grande dextérité à se servir ainsi de l'arc avec l'une ou l'autre main[9].
La position du cavalier favorise d'ailleurs l'emploi de ce genre de tir et, réciproquement, celui-ci est le seul qu'il soit facile d'exécuter en arrière, à cheval.
Il nous reste à indiquer la manière encore employée de nos jours par quelques tribus sauvages de l'Amérique, et qui consiste à donner à l'arc un point d'appui sur un pied ou sur les deux.
Pour user de ce procédé, le tireur s'assoit à terre, les jambes étendues, place l'arc horizontalement sous la plante de ses pieds réunis ou d'un seul, et, se renversant en arrière, attire vers son visage avec ses deux mains la corde sur laquelle il a ajusté son trait. Suivant la trajectoire qu'il lui semble nécessaire de donner à ce dernier, il lève plus ou moins les jambes et lâche enfin la corde. Celle-ci étant tendue par un effort combiné des muscles des jambes, des reins, du torse et des deux bras, on conçoit que l'arc auquel elle est attachée peut être d'une dimension et d'une raideur très grandes, et, conséquemment, d'une puissance de projection de beaucoup supérieure à celle d'un arc qui n'a pour point d'appui qu'un bras étendu et dont la corde n'est tirée que par la force de l'autre bras. (Voy. page 13.)
Dans un autre ordre d'idées, nous signalerons un des tours de force auxquels se livraient les acrobates de l'antiquité, comme en témoigne la peinture d'un vase grec du Musée de Naples, représentant une femme qui marche sur les avant-bras et tient un arc avec l'un de ses pieds tandis qu'avec l'autre elle lance une flèche (fig. 16).
Nous avons parlé de gants et d'anneaux employés par les archers pour le tir de la corde; on en peut voir, dans certains musées, différents modèles de provenances diverses et présentant des caractères plus ou moins intéressants; mais il est des objets, classés dans presque toutes les collections sous le nom de doigtiers d'arc qui méritent une mention particulière, car leur destination n'a jamais été définie de façon précise. Ces objets en bronze présentent la forme d'un double anneau muni, à l'intersection des deux cercles, de deux, quatre ou cinq dents saillantes (fig. 17). On a pensé que cet instrument, dans les anneaux duquel deux doigts peuvent au besoin passer, avait pu servir à tendre la corde d'un arc, mais sans qu'on ait indiqué de quelle manière.
Si l'on doit croire que ce soient là réellement des accessoires de l'archerie antique, nous pensons que ces anneaux, attachés peut-être à la corde de l'arc sur la partie où devait se placer la flèche, pouvaient, grâce à leurs dents, faciliter l'emploi de traits dépourvus d'encoche. Nous avouons, néanmoins, qu'aucun texte ni aucune représentation quelconque ne viennent appuyer cette conjecture toute gratuite; mais il en est de même, supposons-nous, de l'hypothèse qui a fait admettre ces objets comme des doigtiers d'arc.