Toutefois, Saint Louis augmenta le nombre des archers qu'il emmena dans son expédition d'outre mer, reconnaissant que les arbalétriers, soit à pied, soit à cheval, qui accompagnaient l'armée des croisés, ne pouvaient toujours s'employer utilement contre les archers turcs.
Pourtant Joinville prétend que ceux-ci s'enfuyaient rien qu'en voyant « mestre pied en estrier des arbalètes »[6] pour les armer, assertion qui peut paraître surprenante si l'on songe que cette arme n'était pas inconnue des infidèles puisqu'ils s'en servaient eux-mêmes, notamment pour envoyer le feu grégeois dans les rangs des croisés.
En tout cas, les traits de leurs archers étaient également redou-tables par leur force de pénétration et leur justesse.
Le « Soudan d'Égypte » avait une garde de tireurs particu-lièrement adroits ; c'étaient des enfants d'Orient que lui vendaient des marchands et qu'il soumettait de bonne heure à un entraînement spécial: « il les élevoit dans sa maison, dit Joinville, jusqu'à tant que la barbe leur venoit, de telle manière que selon ce qu'ils étoient le Soudan leur faisoit faire des arcs à leur point (c'est-à-dire à leur force) et sitôt qu'ils se renforçoient ils jetoient leurs foibles arcs dans l'arsenal du Soudan, et le maître artilleur leur bailloit des arcs aussi forts qu'ils les pouvoient teser (tendre) »[7].
Il ne faut pas oublier qu'en bataille rangée rien ne pouvait encore remplacer l'arc entre les mains du soldat d'infanterie.
Les archers seuls, en effet, pouvaient, étant serrés les uns contre les autres, se servir de leurs armes : il fallait plus de place aux arbalétriers pour manier et employer les leurs.
Mais l'arc offrait pour une troupe en campagne d'autres avan-tages sur l'arbalète : il était d'abord d'un prix moins élevé, était plus portatif, moins embarrassant et plus facile à entretenir et à réparer ; enfin, et c'est en cela que consistait sa réelle supério-rité, « un archer bien exercé pouvait envoyer 12 flèches en une minute, tandis qu'un arbalétrier très adroit mettait le même temps pour tendre son arme et décocher son trait »[8].
Une autre considération fît parfois préférer l'arc à l'arbalète dans des rencontres avec des troupes composées d'archers, c'est que les flèches envoyées par le parti adverse pouvaient être de nouveau utilisées contre lui si l'on avait des arcs, mais restaient sans utilité si l'on n'avait que des arbalètes.
Or, renouveler sa provision de traits à l'aide de ceux que l'ennemi lançait, fut une préoccupation constante chez les tireurs de tous les pays et de toutes les époques. On conçoit. en effet, que le carquois, eût-il renfermé plus de 18 flèches comme celui des Anglais qui en contint à un moment 24, il était bientôt vide. Il fallait alors avoir recours aux convois de munitions qui suivaient ou aux valets d'armée dont le rôle souvent périlleux consistait principalement à ramasser les flèches sur le champ de bataille[9] (fig. 39).
Malgré les avantages nombreux que présentait l'arc et tandis que les Anglais lui restaient obstinément fidèles, il y eut toujours en France une sympathie marquée pour l'arme nouvelle.