On trouve dans un manuscrit intitulé, Le Débat des Héraults d'armes de France et d'Angleterre[10], une discussion curieuse à ce sujet. Les deux interlocuteurs vantent à tour de rôle les mérites de l'une et l'autre de ces armes.
L'arbalétrier français prône la sienne, mais il se borne à dé-montrer sa supériorité sur l'arc dans un combat naval. « Car ung archier ne peut tirer en mer que ce ne soit par-dessus le bord de la nef et à grand dangier pour luy et si ne peut faire bonne sééte tant pour la paour que pour le branle de la nef...[11] » Au contraire « un arbalétrier peut tirer sous couvert... et par ung petit pertuis et sans danger ou péril peut tuer ou blécier son adversaire et quelque paour ne quelque branle que fasse la nef l'arbaleste porte la force de son traict. Et pour ce. voit-on que ung vaisseau de France à la mer, tant pour tant déconfit toujours ung vaisseau d'Angleterre.... »
Quelque fondée que pût être cette affirmation sous le rapport de la guerre maritime à cette époque, il n'en resta pas moins vrai que dans les guerres continentales, les Anglais, grâce à leurs archers, conservèrent sur nous l'avantage.
L'habileté de tous les tireurs de la Grande-Bretagne était universellement reconnue, et, chez nous, celle des Écossais en particulier jouissait, de longue date, d'une grande réputation. On pretend que saint Louis se fit accompagner en Terre Sainte d'un corps de vingt-quatre Ecossais, et qu'après lui d'autres rois de France incorporèrent dans les rangs de l'armée bon nombre d'archers de cette nation, bien avant la création par Charles VII du corps connu sous le nom de Garde écossaise.
Malgré l'exemple de ces archers renommés, malgré l'expérience faite, au temps des croisades, des arcs orientaux appelés vulgairement arcs turquois, les Français continuèrent à montrer de jour en jour leurs préférences pour l'arbalète.
Dès que s'ouvrit la longue période au cours de laquelle, pendant plus d'un siècle (1337 à 1453), les Anglais et les Français ne cessèrent de se faire la guerre (Guerre de Cent ans), nos troupes eurent l'occasion de constater à leurs dépens quels terribles effets pouvaient produire des archers adroits et bien disciplinés.
L'habilete et la vigueur des tireurs anglais n'étaient pas seu-lement, en effet, ce qui faisait d'eux « la milice redoutable, la fine fleur des archiers du monde », suivant l'expression dont se servait plus tard Philippe de Commines à leur égard, mais leur esprit de discipline, leur façon de combattre et de se développer sur un champ de bataille, leur donnaient souvent l'avantage sur des troupes plus nombreuses mais moins bien organisées.