A la bataille de Crécy, en 1346, les arbalétriers génois, à la solde du roi de France, essayent vainement de se servir de leur arme dont la pluie a mouillé la corde ; les archers anglais, qui avaient pris la précaution d'abriter leurs arcs sous leurs chaperons, s'avancent alors, « font voler, comme le dit Froissart, leurs sagettes si vivement que ce semblait neige » et dans l'effroyable tourbillon produit par les Génois qui se replient, ils tirent à coup sûr, sans qu'un seul de leurs traits s'égare et sans que la chevalerie française puisse faire un mouvement. Cette victoire des Anglais, dont tout l'honneur revint à leurs archers, eut comme conséquence de leur permettre de s'établir en France.
A la bataille de Poitiers, en 1356, ce sont six mille de leurs archers qui, sous la conduite du prince de Galles, déterminent encore notre défaite
La haine qui existait entre les deux nations, l'exaspération produite en France par ces échecs successifs, provoquèrent, de part et d'autre, des accusations de déloyauté et de barbarie.
Le bruit courait chez les Anglais que, lorsqu'ils tombaient au pouvoir des Français, ceux-ci leur coupaient trois doigts de la main droite pour les rendre désormais inaptes à tirer de l'arc.
De leur côté, les Français, devant la gravité des blessures produites par les flèches de leurs ennemis, accusaient ces der-' niers de les empoisonner.
Mais ni l'une ni l'autre de ces accusations ne semble avoir été fondée.
La vérité est que la première était suggérée par les chefs anglais eux-mêmes qui avaient intérêt à surexciter l'esprit de leurs soldats en leur inspirant la crainte d'être faits prisonniers. Quant à la seconde, elle était motivée par la mort de presque tous les blessés atteints par les flèches anglaises; pourtant c'était à d'autres causes que le poison, qu'il fallait attribuer ce dénouement fatal.
Les soldats de la Grande-Bretagne étaient exercés à tirer avec beaucoup de force; on estimait, avec raison, que la vigueur du coup était parfois plus efficace que la précision : en outre leurs flèches plus longues que les nôtres - elles avaient au moins un mètre - étaient armées de pointes soigneusement barbelées.
Cette dernière particularité suffisait, avec leur grande force de pénétration, à provoquer dans les blessures une inflammation que le manque de soins immédiats rendait le plus souvent mor-telle.
Bien que la coutume de barbeler les pointes de flèches ait été commune à toutes les nations européennes, on doit supposer qu'en Angleterre elle fut mise en pratique de façon spéciale, car le célèbre chirurgien du xvie siècle, Ambroise Paré, en indiquant la méthode de retirer du corps humain les pointes de traits, ajoutait qu'il convenait d'employer un procédé particulier « si le fer estoit barblé ainsi que souvent sont ceux des Anglais.[12] »
Ce ne fut que lorsque le traité de Brétigny, qui démembrait la France, vint mettre fin à la guerre de Cent ans, qu'on songca, chez nous, à revenir à la pratique de l'arc pour essayer d'imiter ces archers anglais qui se vantaient, non sans raison, « de porter dans leurs carquois à 18 flèches la vie de 18 hommes ».
Charles V réorganisa les compagnies, s'efforça de renouveler leurs privilèges et les encouragea de toutes façons.