Jusque-là, l'arc dont on se servait dans notre pays était lourd, épais et sa portée peu étendue. On essaya de copier l'arc de nos voisins, fait en bois d'if de Romanie, plus léger, plus long et lançant des flèches à deux cent cinquante pas; enfin, tout ce qui pouvait faire renaître le culte de l'arc, négligé depuis un certain temps pour celui de l'arbalète, fut mis en œuvre, si bien que, au dire de Juvénal des Ursins, « en peu de temps, les archers de France furent tellement duits à l'arc, qu'ils surmontoient à bien tirer les Anglais. »
Malheureusement après la mort de Charles V, en 1380, son fils Charles VI, dans le cours de son règne, se laissa persuader par l'aristocratie que « si ensemble se fussent mis les archers, ils eussent été plus puissans que les princes et nobles; et pour ce fuct enjoinct par le roi qu'on cessât (de tirer de l'arc) et que seulement y eust certain nombre, en une ville, d'archers et d'arbalétriers »[13].
Les conséquences de ces dispositions, qui mirent au second plan les gens de traits pour laisser aux chevaliers le premier rôle à la guerre, ne se firent pas longtemps attendre, et ceux-ci en se ruant en vain, à Azincourt, sur les pieux à l'abri desquels les archers anglais les criblaient de flèches, provoquèrent un désastre tel qu'aucun des précédents ne pouvait lui être comparé ; en effet, pour dix mille hommes, dont huit mille gentilshommes, laissés par les Français sur le champ de bataille, les Anglais ne perdaient qu'environ seize cents des leurs (1415).
L'habitude d'abriter les archers derrière des pieux fichés en terre la pointe menaçant l'ennemi remontait, comme nous l'avons vu, à l'époque romaine et avait été conservée par les peuples de l'Orient (fig. 41).