De leur côté, les cavaliers scythes et les Parthes, dans leurs luttes contre les Romains, les étonnèrent par la précision de leur tir. Les derniers surtout, qui se rendirent célèbres par la défaite et la mort de Crassus, pouvaient, prétendait-on, envoyer leurs flèches de Tune et l'autre main, en arrière et par-dessus l'épaule; ils excellaient à arrêter la poursuite de l'ennemi en décochant leurs traits en fuyant, d'où est restée la locution proverbiale bien connue « décocher la flèche du Parthe ».
On peut se demander si cette faculté de tirer en arrière, « a tergo », qui faisait l'admiration des auteurs anciens, ne consistait pas dans le procédé particulier, que nous avons décrit dans le chapitre précédent et qui est encore en usage dans la région de l'Asie habitée autrefois par les Parthes.
Nous ne saurions nous dispenser de mentionner également la tribu des Amazones, bien que l'obscurité qui entoure l'histoire de ces femmes guerrières ait autorisé bon nombre d'historiens à mettre en doute leur existence.
En tout cas, la légende leur prêtait une grande habileté au tir à l'arc et prétendait que, pour leur faciliter le maniement de cette arme, on leur brûlait le sein droit dès l'âge le plus tendre. On a dit que la place vide laissée par cette mutilation leur avait valu leur nom (a privatif, mazon mamelle) ; mais cette étymologie, aussi bien que la légende dont nous venons de parler, a été contestée et on a cru voir dans ces femmes des adoratrices de la lune, en prétendant que leur nom pouvait provenir de maza qui. en tcherkesse, signifie lune : d'autres l'ont fait enfin dériver du mot kalmük, aëmetzame, femme forte. Dans l'un ou l'autre cas, on conviendra qu'on peut déplorer — ceci soit dit en passant — l'abus dont nous nous rendons coupables, en réservant indifféremment le nom d'amazone à toutes les femmes qui montent à cheval.
Chez les Grecs et les Romains, à l'époque de l'apogée de leur organisation militaire, l'usage de l'arc, il est bon de le remarquer, était restreint aux plaisirs de la chasse et aux luttes d'adresse. L'un et l'autre de ces peuples employaient, il est vrai, de nombreux auxiliaires dont l'arc était l'arme principale, mais leurs troupes nationales proprement dites ne comprenaient pas d'archers.
Par contre, ils cultivaient et encourageaient avec soin la pratique de l'arc, la considérant comme éminemment propre à développer l'adresse et les forces de la jeunesse; aussi, chez eux comme chez les Asiatiques, les enfants y étaient-ils exercés dès leur jeune âge.
Platon recommandait le tir à l'arc pour les deux sexes dès l'âge de six ans et voulait qu'on habituât les enfants à s'y exercer indifféremment des deux mains.
Ce jeu figurait, d'ailleurs, dans la célébration de toutes les fêtes à Rome aussi bien qu'à Athènes.
C'est encore Homère qui nous fournit des détails intéressants sur la nature des épreuves auxquelles pouvaient être soumis, en Grèce, les concurrents qui se disputaient les prix réservés aux vainqueurs.
Dans le passage de l'Odyssée[8] auquel nous avons déjà fait allusion, on voit Pénélope promettre sa main à celui qui pourra faire passer sa flèche d'un seul coup dans les anneaux de haches placées sur douze piliers. Ulysse, son mari, revenu incognito et qui seul, comme nous l'avons dit, a pu tendre son arc, ajuste sa flèche sans se lever de son siège et l'envoie avec tant d'adresse et de justesse « quelle enfile les anneaux de tous les piliers depuis le premier jusqu'au dernier et va donner dans la porte qu'elle perce de part en part ».
La description, qu'on trouve dans l'Iliade[9], des jeux qu'Achille fait célébrer en l'honneur de Patrocle après les funérailles de ce chef, nous montre un autre genre d'épreuve qui n'est, en somme, qu'une variété de notre tir à la perche moderne.
Achille fait dresser un mât au bout duquel est attachée une colombe retenue par un long cordon et déclare que le premier prix sera réservé à celui qui blessera la colombe et le second à celui qui aura touché le cordon. Teucer se présente: sa flèche n'atteint que le cordon et le coupe; la colombe s'envole. Un autre concurrent, Mérion, « l'ajuste sans perdre de temps au moment où elle fuit dans la nue ; sa flèche adroite lui perce l'aile et l'oiseau mourant vient tomber à ses pieds ».