Virgile, au cinquième chant de l'Énéide, a copié exactement ce tableau dans la description des jeux funèbres organisés par Énée en l'honneur de son père Anchise. Parmi les concurrents, Hyrtacus ne parvient qu'à fixer son trait dans le mât, Mnesthée rompt le ruban qui retient la colombe; mais celle-ci est atteinte dans son vol par la flèche d'Eurytion,
Et rapporte en tombant le trait victorieux.[10]
En Grèce, il était réservé de grands honneurs, même après leur mort, aux archers adroits. Pausanias nous apprend qu'on pouvait voir dans un temple la statue d'un nommé Timanthe qui s'était distingué particulièrement pendant sa vie par son habileté à tirer de l'arc.
A Rome, au dire de Suétone, on vantait l'adresse de l'empereur Domitien qui pouvait envoyer une flèche entre chacun des doigts écartés d'un enfant placé devant lui, la main contre un arbre.
Enfin, clôturons la série de ces exploits d'archers en rappelant l'anecdote d'Aster, archer de la ville d'Amphipolis, qui était venu offrir ses services à Philippe, roi de Macédoine. Comme il lui assurait qu'il ne manquait jamais un oiseau au vol, ce prince lui répondit en raillant : « Eh bien ! je t'emploierai lorsque je ferai la guerre aux étourneaux. » Aster se retira, mais se trouvant, à quelque temps de là, dans Méthone qu'assiégeait Philippe, il trouva moyen de crever l'oeil de ce prince avec une flèche adroitement envoyée et sur laquelle il avait préalablement écrit : « Aster à l'œil droit de Philippe[11]. » Ajoutons que Philippe renvoya la flèche avec cette nouvelle inscription: « Si Philippe prend la ville, Aster sera pendu. » D'après les uns, il le fit pendre en effet; mais, d'après d'autres, il fit grâce, en souverain avisé, et attacha à son service l'habile tireur.
Indépendamment de la sûreté du coup d'&0elig;il on appréciait aussi la rapidité du tir d'un archer. On conçoit qu'à la guerre aussi bien qu'à la chasse le tireur eût avantage à atteindre de plusieurs flèches l'ennemi qu'il voulait mettre hors de combat, ou le gibier dont il voulait arrêter la fuite. Aussi les jeunes Romains étaient-ils exercés à envoyer, dans le moins de temps possible, le plus grand nombre de flèches.
L'utilité de fournir un tir rapide et de cribler de traits les troupes ennemies, provoqua chez les peuples de l'Asie l'habitude de faire suivre les archers de guerre, ou tout au moins leurs chefs, d'un valet dont les fonctions consistaient à porter un arc de rechange, la provision de flèches et de passer celles-ci au tireur.
Souvent un second valet suivait, muni d'un bouclier ou bien — ainsi qu'on peut le voir sur certains bas-reliefs antiques — d'une sorte de parasol emmanché sur un long bâton et qui semble avoir été destiné à protéger le tireur contre les ardeurs du soleil et, peut-être aussi, contre la chute des flèches ennemies[12].
Le cavalier armé de l'arc avait parfois à ses côtés un autre cavalier tenant les rênes de son cheval pendant qu'il se servait de son arme.
Des éléphants et des chameaux montés par des archers qui se plaçaient dos à dos pour répondre aux attaques venant de différentes directions, des chariots remplis de tireurs, les uns et les autres lancés à toutes brides contre les adversaires, étaient les procédés de combat habituels aux peuples d'Afrique.
Les Romains, pour arrêter le choc de ces charges dangereuses, abritaient leurs archers derrière des rangées de pieux fichés en terre et inclinés vers l'ennemi. Nous verrons cette précaution conservée jusqu'au XVe siècle par les troupes européennes. chez lesquelles le soldat d'infanterie armé de l'arc fut souvent muai d'une pique, ou d'un épieu, destiné à le protéger contre les attaques de la cavalerie.
Si l'on s'en rapporte à certaines figures égyptiennes, quelques guerriers africains paraissent avoir été munis du boumérang en même temps que de l'arc (fig. 29).
La lance, chez les peuples de l'Asie, complétait ordinairement l'armement de l'archer. On en trouve de nombreuses preuves sur les bas-reliefs provenant du palais de Ninive[13] et sur les frises qui ont été reconstituées par M. et Mme Dieulafoy, à la suite des fouilles qu'ils ont faites de 1881 à 1886, à Suse, en Perse, sur remplacement du palais d'Artaxerxès Mnémon (fig. 30)[14].
Les archers que l'on y voit figurer nous donnent le type des soldats de Darius que les Grecs vainquirent à Marathon et nous fournissent, en outre, de précieux renseignements sur les détails de leur équipement.