III
EN AFRIQUE
Les races arabes emploient exclusivement de nos jours les armes à feu : seules les races noires se servent encore de l'arc lorsqu'elles ne peuvent se procurer ni fusils ni munitions.
Les arcs des peuplades nègres sont essentiellement primitifs et varient peu d'une tribu à l'autre : ils ne diffèrent en général que par leurs dimensions, l'essence du bois employé à leur confection ou les matières utilisées pour remplir l'office de corde ; en tout cas ce sont toujours des branches grossièrement arrondies, maintenues courbées par un lien de chanvre ou d'aloès, une liane refendue, un nerf ou un tendon d'animal.
Les flèches des peuples de l'Afrique présentent plus de variétés que leurs arcs : les unes sont fort longues et atteignent parfois 1 m. 50; d'autres au contraire sont très courtes. Beaucoup n'ont ni encoche ni empennes et sont armées d'un fer barbelé très mince.
On trouve au Musée ethnographique du Trocadéro, dans les collections rapportées par les différentes missions qui depuis vingt ans se sont succédé sur la terre d'Afrique, des spécimens nombreux des flèches auxquelles ont eu affaire presque tous nos vaillants explorateurs.
L'arc, jadis l'arme habituelle des habitants du Dahomey, et en particulier des fameuses amazones qui servaient de garde au roi Behanzin, avait été remplacé entre leurs mains par des fusils importés par des trafiquants allemands quelques années avant la conquête de ce pays par nos troupes.
1. Arc kirghis. | 8. Arc chinois. |
2. — tartare. | 9. — circassien. |
3. — de l'Afghanistan. | 10. — japonais de palanquin. |
4. — îndou. | 11. — indou. |
5. — persan (1m,14). | 12. — des Sioux (Am´r. Nord) (1m, 10). |
6. — tendu (1m, 16). | 13. — abyssinien (0m, 98) |
7 — siamois. | 14. — Gantelet japonais ancien. |
Les arcs des régions congolaises sont ordinairement de petite taille. On en trouve chez les Batékés, qui n'ont pas plus de 0m35 de corde : ceux-ci, comme les naturels de l'Oubanghi et de la Sangha, envoient des flèches armées de fers soigneusement barbelés d'autant plus dangereux qu'ils sont empoisonnés comme d'ailleurs toutes les pointes de flèches des tribus africaines.
Les poisons employés sont mystérieusement préparés et peu de voyageurs sont parvenus à en déterminer la nature d'une façon précise : on s'accorde à penser que la plupart sont des sucs végétaux tels que celui de l'euphorbe ou de certaines épines noires; d'autres proviendraient d'animaux venimeux, reptiles, araignées ou chenilles.
En tout cas, l'effet produit sur les êtres vivants qu'atteignent les flèches empoisonnées est toujours fatal, à quelques exceptions près, et les désordres cardiaques ou cérébraux qu'ils produisent amènent promptement la mort.
Les naturels de certaines régions de l'Afrique équatoriale font usage de traits dont le poison tue un homme au bout de vingt minutes et provoque, en moins de deux heures, chez l'éléphant, une paralysie générale[12].
On peut remarquer que les indigènes des pays à l'est de l'Afrique semblent apporter un peu plus de soins à la confection de leurs arcs et de leurs flèches que ceux des régions de l'ouest : le bois est mieux travaillé et les flèches mieux empennées. Les empennes des flèches de certains peuples de la Cafrerie sont très particulières, en ce sens qu'elles sont très nombreuses, se composent de barbes de plumes très courtes, et sont placées autour du talon de la flèche presque les unes contre les autres.
Sans parler des arcs et des étuis des Bojesmans de l'État libre d'Orange qui révèlent une civilisation plus avancée, il faut citer les arcs de l'Éthiopie, du Mozambique et de la région du Zambèze.
La mauvaise qualité des arcs africains et leur taille généralement petite ne leur permettent pas d'avoir d'ordinaire une très grande portée. D'après les récits des voyageurs les plus dignes de foi, les indigènes de la plupart des pays de l'Afrique ne se montrent pas très adroits et ne lancent des traits ayant quelque pénétration que lorsqu'ils tirent à des distances ne dépassant pas une trentaine de mètres ; à de plus grandes distances, et malgré leur manque de précision, ils ne laissent pas toutefois d'être redoutables, la moindre atteinte de leurs flèches pouvant être fatale en raison des substances toxiques dans lesquelles sont trempées leurs pointes.
En résumé, on peut dire que la science des poisons est la base de toute l'archerie du continent noir, et le seul motif qui oblige encore à en tenir compte, malgré la supériorité des armes qu'on peut lui opposer.