Il ne saurait y avoir de doute à cet égard ; mais on ne peut admettre sans réserves l'opinion de ces auteurs lorsqu'ils « rattachent l'institution de ces corporations à la création des communes par Louis VI »[4].
En effet, Louis VI — il régna de 1108 à 1137 — n'a pas, à proprement parler, créé les communes car il ne fit que confirmer, par un certain nombre de chartes, des privilèges déjà conquis par bon nombre de villes antérieurement à son règne et c'est précisément le rôle qu'il semble s'être borné à remplir à l'égard des corporations dont il est question.
Les milices communales ou urbaines, dont l'organisation remontait à l'empire romain, existaient sous les Mérovingiens; on en voit figurer dans l'armée de Chilpéric (VIe siècle) : elles comprennent tous les habitants d'une même ville « à l'exception des prêtres et des magistrats municipaux ». Selon les régions, ceux qui en font partie sont armés d'une façon ou d'une autre : tels les Picards qui passent pour devoir leur nom aux piques dont ils faisaient primitivement usage[5].
Il n'y a pas de doute que parmi les milices de cette époque, celles qui étaient munies de l'arc aient été dans l'obligation d'organiser des exercices de tir en commun.
Nous verrons plus loin que les abbés de St-Médard de Soissons prétendirent, jusqu'au siècle dernier, posséder des chartes de Charles le Chauve (840-877) les instituant juges souverains et grands-maîtres des Compagnies d'Arc du Royaume.
Une compagnie de Soissons avait même la prétention d'avoir été établie par saint Prince, l'an 471 de l'ère chrétienne.
Il résulte de ces différentes considérations qu'on peut, sans témérité, faire remonter l'origine de nos Compagnies à une date antérieure à ce que l'on a appelé 1' « affranchissement des communes ».
Depuis longtemps déjà, mille circonstances, non seulement en France mais dans d'autres pays, avaient armé, dans un but de défense, « les serfs, artisans ou bourgeois d'une même ville » et les avaient poussés à se lier les uns aux autres « en faisant le serment sur les choses saintes de se prêter foi, force et aide.[6] »
Dans le Nord de l'Europe ces associations avaient pris le nom de Gilden.
La Gilde, mot originaire de la Scandinavie, était le repas solennel qui trois fois par an réunissait les hommes libres d'un canton : elle devint bientôt une sorte de société d'assistance et de secours mutuels et, sous cette forme, elle se répandit en Germanie puis dans les Flandres .
Les Gildes militaires devinrent en pays Wallon et en France les serments[8], les connétablies[9] et les confréries[10].
Ce qui a pu faire croire que les commencements de nos compagnies dataient seulement de l'époque où les communes prennent une place plus distincte dans l'histoire, c'est qu'en effet, à ce moment-là surtout, le rôle des sociétés, dont elles descendent directement, est mis en relief par l'appui que leur accorde le pouvoir royal.