Le double but cherché par les différents monarques en instituant ces corporations, est encore plus nettement défini dans des lettres patentes de Henri IV, datées de 1609, pour l'établissement d'une société d'Arquebusiers à Avallon. Elles renferment en effet le préambule suivant: «... tant pour divertir les habitants de l'oisiveté, débauche et jeux dissolus, qu'aussi, avec la récréation qu'ils y prendront, acquérir l'expérience et assurance de s'entr'aider desdites armes et fussent plus certains pour nous servir en temps de guerre et de nécessité... »
Dès le XIVe siècle, comme on a pu le voir dans les ordonnances royales que nous venons de citer, des sociétés d'arbalète, formées sur le modèle des sociétés d'arc, bénéficièrent des mêmes avantages que celles-ci. Dans le début, une distinction, purement honorifique d'ailleurs, s'établit entre les deux genres de corporations ; on la trouve indiquée, dans les documents contemporains, par les expressions « pratiquer le noble exercice de l'arc » et « pratiquer le joli jeu de l'arbalète ». Mais cette sorte de concession accordée par déférence à l'ancienneté dura peu ; bientôt, les arbalétriers, comme plus tard au XVIe siècle les arquebusiers, donnèrent, ou firent donner, à leur exercice le même qualificatif que celui que les archers prétendaient n'être dû qu'au leur, et l'on vit dès lors coexister concurremment des compagnies pour l'exercice du noble jeu de l'arc, d'autres pour celui du noble jeu de l'arbalète, d'autres enfin pour celui du noble jeu de l'arquebuse[16].
A vrai dire, à part l'arme dont elles faisaient usage et le saint sous l'égide duquel elles se plaçaient, il n'y avait guère de différence entre la composition, les règlements, les privilèges, les fêtes et les coutumes de ces corporations, et, en faisant l'étude de l'organisation de l'une d'entre elles, on connaît celle des deux autres.
Cette particularité s'explique facilement par le fait que, dans beaucoup de pays, les compagnies d'arc s'étaient bornées à adopter les armes nouvelles sans avoir besoin de changer, en quoi que ce soit, la constitution de leurs sociétés : les membres de quelques-unes d'entre elles conservèrent même le nom générique d'archers bien qu'ils ne se servissent plus de l'arc : c'est, d'ailleurs, cette simple substitution qui fournit le prétexte à certaines compagnies d'arquebusiers du XVIIIe siècle, de faire remonter leurs origines antérieurement au XIIe siècle, bien que l'invention de l'arquebuse date à peine de 1500.
On pourra consulter les nombreuses et intéressantes notices qui ont été publiées sur ces différentes corporations ; notre rôle doit se borner à résumer ce qui dans ces études, pour la plupart locales, concerne d'une façon générale les sociétés d'arc[17].